Dans mon dernier billet de blog, je détaillais l’expérience que je m’apprêtais à vivre : une retraite d’écriture d’un mois, avec pour objectif six heures d’écriture par jour, six jours par semaine, zéro réseaux sociaux, inspirée du « crash » de Kazuo Ishiguro.
La retraite est officiellement terminée depuis hier ! Retour sur ces quatre semaines d’immersion. 🤓
Pourquoi une retraite d’écriture ?
Après la sortie de mon roman Au royaume des aveugles en septembre dernier, j’ai commencé deux autres projets d’écriture : une nouvelle qui fera partie d’une collection que je dirige et dont je vous parlerai bientôt, et un roman en anglais commencé il y a dix ans et que je souhaitais reprendre depuis le début.
La phase du travail préparatoire (réflexion, construction, structuration) de ces deux projets étant terminés, le moment était arrivé d’entrer dans une nouvelle phase, une étape plus longue et qui requiert une plus grande immersion : la rédaction du premier jet.
Stephen King, qui a écrit soixante-quatre romans, ou encore C. S. Lewis, connu pour ses Chroniques de Narnia, recommandent d’écrire le premier jet le plus vite possible, en trois mois maximum. Cette concentration permet en effet d’avancer tout en gardant une vision assez globale de sa trame et des autres procédés narratifs qu’on met en place lorsqu’on écrit une fiction. Cela évite aussi un certain nombre d’incohérences, celles-ci étant courantes lorsqu’un projet s’étire dans le temps.
J’ai donc voulu consacrer un mois entier à la rédaction de mes deux projets. Cette fois-ci, l’objectif que je me suis fixé n’était pas un objectif de quantité (nombre de mots quotidiens), mais un objectif d’endurance : serai-je capable d’écrire 6 heures par jour ?
Le plus facile : se motiver pour écrire
Les points positifs de cette retraite d’écriture / ce qui a bien marché :
Dès le Jour 1, j’ai tout de suite basculé dans un nouveau quotidien et réussi à suivre l’organisation millimétrée que j’avais mise en place. Ce qui a rendu cela possible : le fait d’avoir prévu cette retraite plusieurs mois à l’avance m’a permis de m’y préparer mentalement et matériellement, si bien que le moment venu, j’étais prête et n’ai pas eu besoin de temps d’adaptation. Le fait d’avoir communiqué à mes proches mon besoin d’isolement a aussi facilité les choses.
Lors de la première semaine, l’objectif a été atteint et dépassé : de six heures, je suis rapidement passée à sept heures d’écriture par jour. Il a simplement fallu que j’essaie pour savoir que c’était possible ! ✌️
Grâce à ces nombreuses heures consacrées à l’écriture, la production a forcément suivi : j’ai écrit un premier jet d’une nouvelle de vingt pages, puis deux versions retravaillées, que j’ai finalement mises de côté pour tout reprendre de zéro avec un nouveau narrateur. J’ai également écrit les 30 000 premiers mots de mon roman, soit environ le tiers de la totalité.
J’ai terminé cette retraite avec la certitude que j’irai jusqu’au bout de ce nouveau roman. Cela peut surprendre, mais même lorsqu’un auteur a déjà publié plusieurs livres, le doute est toujours présent au commencement d'un projet. Des questions telles que : « Vais-je y arriver une nouvelle fois ? » ; « Cette histoire vaut-elle le coup d’être racontée ? » ; « Aurai-je le courage nécessaire pour aller jusqu’au bout ? » sont le quotidien de tout écrivain, même après plusieurs décennies d’expérience. William Faulkner a dit : « Ecrire, c’est comme craquer une allumette au milieu de la nuit, en plein milieu du bois. Ce que vous comprenez alors, c’est combien il y a de l’obscurité partout. »
Enfin, et c’est certainement la raison principale pour laquelle j’ai fait cette retraite, je voulais confirmer une nouvelle fois ma réponse à la question : l’écriture est-elle toujours une nécessité pour moi ? La réponse est oui, bien sûr ! 🙂
Le plus difficile : tenir sur la longueur
Les points à améliorer / ce qui a moins bien marché :
Sur quatre semaines, il faut s’attendre à des hauts et des bas. Les deux premières semaines se sont déroulées sans encombre, la troisième a été plus chaotique en raison de problèmes de santé, la quatrième m’a semblé longue, mais à trois jours de la fin j’ai eu un regain d’énergie et de motivation. A chaque baisse de régime, il est crucial de s’accrocher car le ralentissement n’est en général que temporaire : au bout de quelques jours voire quelques heures, la machine redémarre !
A mon plus grand regret, les six heures quotidiennes n’étaient pas suffisantes pour une immersion totale, c’est-à-dire pour « atteindre un état mental dans lequel mon monde fictif serait devenu plus réel pour moi que le monde réel », comme le décrit Kazuo Ishiguro. Aurait-il fallu y consacrer plus d’heures (Ishiguro a écrit dix heures par jour pendant son « crash ») ? Ou les vivre différemment ? 🤔
L’endurance, pour une retraite d’écriture, n’est pas que mentale ; elle est aussi physique. En fin de Semaine 2, alors que ma motivation et mon rendement étaient au top, j’ai dû m’arrêter pendant deux jours à cause de douleurs aiguës aux cervicales.
Organiser sa propre retraite d’écriture
Si vous aussi, vous avez un ou plusieurs projets et que vous souhaitez y consacrer un temps significatif, pourquoi ne pas organiser votre propre retraite d’écriture ? Voici mes conseils pour optimiser au mieux ce temps exceptionnel :
1. Planifiez votre retraite d'écriture à l’avance :
Le fait de construire sa retraite d’écriture comme un vrai projet vous permettra de créer une attente enthousiaste et de vous y préparer mentalement et matériellement. Un peu comme on prépare ses vacances !
2. Choisissez un lieu isolé et dépouillé
Si vous le pouvez, retirez-vous dans un lieu où vous aurez l’assurance de n’être ni dérangé, ni sollicité. Par ailleurs, plus le lieu est dépouillé (sans piscine, ni internet ou autre distraction) et plus il vous sera aisé de vous concentrer sur votre écriture. Cherchez du côté des gites en pleine nature ou des centres de retraites, mais vérifiez d’abord que l’endroit n’a pas été réservé par des groupes car cela est assez fréquent. Les monastères religieux sont une bonne option également : la plupart accueille sans distinction de foi.
3. Réorganiser entièrement votre quotidien :
S’il ne vous est pas possible d’aller dans un lieu isolé, vous pouvez faire votre retraite chez vous. Cela vous demandera cependant quelques réaménagements et la coopération de vos proches. En effet, vous ne pourrez pas continuer à avoir le même quotidien et ajouter à celui-ci une grande tranche d’écriture. Il vous faudra placer l’écriture au cœur de votre emploi du temps, lui accorder le plus gros de votre temps, et ajouter à votre planning les quelques impératifs auxquels vous ne pouvez pas déroger. Tout ce qui n’est pas indispensable (activités récréatives, sociales et familiales) doit être mis entre parenthèses durant votre retraite.
4. Ayez un objectif précis avant de commencer :
Pour arriver à destination, vous devez savoir où vous voulez aller, sinon vous risquez de faire du sur-place pendant longtemps. Il convient donc de définir votre objectif avant de commencer votre retraite. Un bon objectif est chiffrable et ajustable. Quelques exemples :
Ecrire 6 heures par jour, 6 jours par semaine, pendant 4 semaines.
Ecrire 1000 mots par jour, quel que soit le temps que cela me demande.
Avoir terminé le premier jet de mon roman, que j’estime à environ 60 000 mots, soit 2 000 mots par jour pendant 30 jours.
Au bout d’une semaine, faites un premier bilan et réajustez votre objectif en fonction :
Si vous avez largement dépassé votre objectif, mettez la barre plus haut !
Si vous n’avez pas atteint votre objectif, c’est certainement que vous avez mal estimé votre rendement au départ. Cela est fréquent lorsqu’on débute dans l’écriture : on ne sait pas forcément de quoi on est capable. Ne jetez pas l’éponge ; revoyez simplement votre objectif à la baisse pour qu’il corresponde à votre réalité.
5. Restez ouvert aux surprises et changements :
Même avec une routine huilée, il y aura malheureusement des imprévus qui viendront menacer l’organisation que vous avez mise en place. Soyez flexible et adaptez-vous, plutôt que d’abandonner à la première difficulté rencontrée.
6. Equipez-vous :
Si, comme moi, vous souffrez de douleurs aux cervicales à force de passer trop de temps devant l'écran de votre ordinateur portable 😫, voici peut-être la solution (dans mon cas, ce nouvel aménagement a tout de suite fait ses preuves) :
7. Investissez-vous à 100% :
N’oubliez pas que les temps d’écriture sont toujours précieux car ils sont rares (quel que soit son métier ou son mode de vie). Mettez à profit ces moments-là en vous y engageant entièrement. Vous aurez tout le temps de revenir à vos autres préoccupations et distractions une fois la retraite terminée.
Et vous, avez-vous déjà fait une retraite d’écriture ou envisagez-vous d’essayer ?
Depuis 2023, L'atelier d'écriture by Christine organise des retraites d'écriture. Bénéficiez du cadre porteur d'un lieu spirituel pour vous immerger dans l'écriture le temps d'un week-end :
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bonjour Christine, contente que cette retraite ait porter ses fruits. MERCI pour ton retour. J'y songe de plus en plus pour la relecture complète de mon livre de développement personnel en été. Je pense aussi que m'isoler quelque temps serait bénéfique pour lancer la production de mon roman chorale. Il me reste à le mettre en place. Belle journée et bonne continuation. Au plaisir de te lire.
Bonjour Christine, très contente que malgré tes problèmes de cervicales, tu aies pu tenir tes objectifs. je trouve ton compte-rendu très instructif et pour ma part, c'est quelque chose qui m'a déjà effleuré pour écrire , en immersion et tranquillité dans un lieu de retraite, écrire pour commencer une histoire... l'idée d'un roman...!? Pas encore"mûre" je pense 🤔 mais rien que déjà mettre en place des rituels d'écriture, je pense que ça doit aider.
En tout cas, bon retour à la vie "du monde"
Et u plaisir de travailler de nouveau avec toi.
Laurence
Bravo Christine ! 😊 Et bonne continuation !
Bonjour Christine,
Merci pour ce partage.
De mon côté je confirme que les retraites, notamment dans les monastères, sont propices à l'écriture. Même si mon rythme n'était pas aussi intense que le tien, j'ai pu progresser dans l'écriture de mon roman l'été dernier grâce à une retraite à l'abbaye de la Pierre-qui-Vire et je remets cela l'été prochain dans l'abbaye de Bellefontaine.
Bonne journée !
Laurent